L'influence de la forme du verre sur notre perception des qualités d’un vin…
S’il est un point que l’amateur de vins a généralement bien du mal à faire admettre autour de lui, c’est bien celui-ci. Dans l’imagerie populaire, la qualité d’un vin est une valeur absolue : le bon vin sera bon quel que soit le contenant. L’amateur en revanche sait que la dégustation est en grande partie du domaine du subjectif : nous percevons des impressions.
Dès lors, le verre va jouer un rôle de tout premier plan. Bien entendu, il ne va pas vraiment transformer un mauvais vin en bon vin ou inversement. Non, le verre va jouer le rôle d'un révélateur : il va nous faire (ou pas) découvrir certains des aspects, des caractères du vin. La meilleure analogie est celle de la musique : vous pouvez écouter du Mozart sur un vieux transistor, la musique en elle-même ne sera pas horrible mais vous passerez à côté de beaucoup de choses.
Le verre intervient dans tous les aspects de la dégustation :
- L’oeil : par sa forme et son aspect, le verre nous met dans un certain état d’esprit.
- Le nez : le verre va révéler plus ou moins d’arômes avec plus ou moins de force
- La bouche : la forme a une influence sur l’aération du vin, sur le toucher des lèvres, sur l’aspiration d’air, sur la vitesse du liquide, sur l'endroit où il se "pose".
La taille et la forme ont une grande importance, la matière beaucoup moins, surtout depuis la généralisation du cristallin. Il est très délicat de différencier à l’aveugle (et même en ouvrant les yeux...) un verre en cristal d’un verre en cristallin (cristallin = de 10 à 24% de plomb ; cristal = plus de 24% de plomb). Peu de problèmes du côté de la matière donc, si ce n'est qu'il faut mieux éviter les verres ciselés ou colorés, car ils empêchent de bien voir le vin et ont une influence sur nos sensations, et aussi les verres trop épais car ils donnent une impression de lourdeur au vin.
Verre INAO
Les verres à vin modernes, orientés pour la dégustation, ont presque tous la même forme : un pied fin, un corps plus ou moins large qui se resserre vers le haut. Ce resserrement est essentiel car il permet la concentration des arômes qui seront ainsi mieux perçus par le nez, que ce soit lorsque l'on hume préalablement le vin ou encore au moment où l’on porte le verre à notre bouche (notre nez respire le vin pendant que le liquide coule dans notre bouche). L’exemple-type de cette forme est le verre INAO, adopté par la grande majorité des professionnels pour les dégustations techniques.


Faut-il un verre différent pour chaque type de vin ou un verre universel ?
On trouve parmi les amateurs des adeptes des deux solutions. La célèbre marque de verre Riedel a développé toute son image autour d'une gamme de verres tous différents de forme, prévus pour un cépage ou un vin très précis. D’autre part, il subsiste certaines traditions régionales (même si on est en droit d’être circonspect face à la forme traditionnelle du verre à vin d’Alsace par exemple). Soit… Mais personnellement, je recherche plutôt un verre universel à la fois pour les vins blancs et les vins rouges. Cette solution est la plus pratique mais rend le choix du verre en question d’autant plus délicat.
Pour mieux comprendre l'influence de la forme du verre sur nos perceptions, il faut garder à l'esprit que le sucré se perçoit sur le bout de la langue, l'acidité vers le fond de la langue. Un verre droit ou qui présente une sorte de lippe (un buvant légèrement évasé vers l'extérieur) va poser le vin sur le bout de la langue donc augmenter notre perception du sucré et de l'alcool. A l'opposé, un verre très fortement resserré va donner au liquide une certaine vitesse, le vin passant alors rapidement sur le bout de la langue pour se poser plus en arrière. Notre perception du sucré est alors plus faible et l'acidité est mieux mise en valeur.
Pour le champagne, la forme s’est orientée vers un profil élancé, la flûte à champagne. La forme élancée permet de mieux profiter du spectacle de l’ascension des bulles mais, là aussi, le verre doit être resserré vers le haut pour concentrer les arômes ; il faut donc mieux éviter les formes trop droites. Certains verres sont "marqués" : le fabriquant crée volontairement une marque en grattant le fond du verre pour favoriser la formation de bulles (voir photo ci-contre). C’est particulièrement efficace. A noter, que les (bons) champagnes sont aussi très intéressant dans un verre classique à vin blanc. Etant plus large, il permet de mieux apprécier leur caractère vineux.
Sur le plan de la dégustation, la large coupe à champagne n’a que des inconvénients : les arômes s’envolent, le champagne s’évanouit très rapidement et la tenir en main demande une attention constante. La coupe incite à engloutir rapidement son contenu, donnant à l’occasion l'impression amusante de barboter dans le liquide. La coupe reste un verre fortement lié au champagne dans l’imagerie populaire mais, en tant qu’amateur, on l’évitera bien entendu.

Quelle taille de verre ?
A une certaine époque, une mode des grands verres s’est développée : il n’était alors pas rare de voir des amateurs déguster leur bordeaux dans des verres dont la contenance dépassait largement celle de la bouteille dont il provenait… De plus, le cérémonial de changement des verres dans certains restaurants ont contribué à ancrer l’idée que « grand vin = grand verre ». Cette mode s’estompe peu à peu. Dans un grand verre, le vin semble perdu tout au fond, les arômes s’étiolent dans le grand vide, l’aération est trop importante (ce qui est catastrophique pour les vieux vins). De plus, un grand verre impose souvent une gymnastique démesurée lorsque l’on se décide à ingurgiter quelques centilitres en bouche…Donc, en pratique, l'amateur va souvent aller puiser dans la gamme des verres à vin blanc des fabricants pour trouver des verres de taille intéressante.
Pour un verre universel, une contenance entre 35 et 45 cl paraît bien adaptée. Beaucoup de personnes penseront que le verre à vin rouge doit être plus grand qu’un verre à vin blanc. Pourquoi pas! mais cela ne me semble pas essentiel sauf peut-être pour les vins tanniques et non carafés.
Pour les verres à eau accompagnateurs, il est courant aujourd'hui d'utiliser des verres sans pied, ce qui facilite leur identification à table à défaut d'être esthétiques. Ces gobelets sont parfois vendus comme des verres à vin, ce qui permet au fabricants de surfer sur la vague "je bouscule les usages" mais qui ne constitue pas vraiment un pas vers la recherche de qualité en matière de dégustation.